9.1- Les campements d’estive d’en bas
À des altitudes variant autour de 1700-1800 m, les deux campements d’estive d’en-bas observés étaient constitués en majorité de cages en bois recouvertes de bâches en nylon, et quelquefois de tentes modernes à arceaux métalliques. Alors que ces tentes descendent avec les éleveurs, les cages restent là-haut durant l’hiver. Chose étonnante, leurs portes sont alors fermées par des branches cloutées sur les montants, alors que la structure elle-même, sans son vélum, ouvre totalement l’espace aux éléments extérieurs.
Avant, les abris étaient couverts de Keçe (des pièces de feutre en laine), le sol était caché par des tapis de laine et on vivait par terre. Puis, une autre matière, semblable à des chambres à air de pneus remplaça le feutre. Le problème était qu’avec le soleil, celle-ci devenait molle. Sont venues alors les tentes modernes, les Çadir, en toile de coton ciré, fabriquées par l’armée. Mais les éleveurs ont abandonné cette matière il y a une quinzaine d’années au profit des bâches de nylon. Parallèlement, on quitta le sol : les lits à sommier, les tables et les chaises, le poêle à bois firent leur apparition. Les tapis disparurent laissant le sol à nu et la boue entrer sous l’abri. L’accès en véhicule motorisé aux alpages permet l’utilisation de ce type d’ameublement, mais son apparition peut être aussi perçue comme la conséquence du collectivisme soviétique. Les mêmes types d’agencement et d’ameublement ont été observés en Arménie à l’intérieur des tentes.
L’adoption du nylon est une volonté des éleveurs. Cette matière est aujourd’hui tout autant répandue dans les campements des éleveurs de Turquie et ceux du Kurdistan Irak, qu’en Arménie, et favorise même parfois un retour aux alpages en raison de sa maniabilité, de sa légèreté, de son abondance, et de son coût faible. Cependant, le nylon a ses inconvénients. Parfaitement imperméable, il ne permet pas l’aération naturelle et les abris deviennent vite étouffants à l’intérieur durant les journées ensoleillées. Pour lutter contre le soleil, les bergers d’ici comme dans les pays voisins doublent l’intérieur des parois avec des tissus d’origine urbaine. Ce doublement de la bâche de nylon atténue la chaleur le jour en ombrageant le lieu de vie et absorbe la condensation.