9.1- Les campements d’estive d’en bas
© M.Thevenin – Mission Yeylak 2015

9.1- Les campements d’estive d’en bas

À des altitudes variant autour de 1700-1800 m, les deux campements d’estive d’en-bas observés étaient constitués en majorité de cages en bois recouvertes de bâches en nylon, et quelquefois de tentes modernes à arceaux métalliques. Alors que ces tentes descendent avec les éleveurs, les cages restent là-haut durant l’hiver. Chose étonnante, leurs portes sont alors fermées par des branches cloutées sur les montants, alors que la structure elle-même, sans son vélum, ouvre totalement l’espace aux éléments extérieurs.

Avant, les abris étaient couverts de Keçe (des pièces de feutre en laine), le sol était caché par des tapis de laine et on vivait par terre. Puis, une autre matière, semblable à des chambres à air de pneus remplaça le feutre. Le problème était qu’avec le soleil, celle-ci devenait molle. Sont venues alors les tentes modernes, les Çadir, en toile de coton ciré, fabriquées par l’armée. Mais les éleveurs ont abandonné cette matière il y a une quinzaine d’années au profit des bâches de nylon. Parallèlement, on quitta le sol : les lits à sommier, les tables et les chaises, le poêle à bois firent leur apparition. Les tapis disparurent laissant le sol à nu et la boue entrer sous l’abri. L’accès en véhicule motorisé aux alpages permet l’utilisation de ce type d’ameublement, mais son apparition peut être aussi perçue comme la conséquence du collectivisme soviétique. Les mêmes types d’agencement et d’ameublement ont été observés en Arménie à l’intérieur des tentes.

L’adoption du nylon est une volonté des éleveurs. Cette matière est aujourd’hui tout autant répandue dans les campements des éleveurs de Turquie et ceux du Kurdistan Irak, qu’en Arménie, et favorise même parfois un retour aux alpages en raison de sa maniabilité, de sa légèreté, de son abondance, et de son coût faible. Cependant, le nylon a ses inconvénients. Parfaitement imperméable, il ne permet pas l’aération naturelle et les abris deviennent vite étouffants à l’intérieur durant les journées ensoleillées. Pour lutter contre le soleil, les bergers d’ici comme dans les pays voisins doublent l’intérieur des parois avec des tissus d’origine urbaine. Ce doublement de la bâche de nylon atténue la chaleur le jour en ombrageant le lieu de vie et absorbe la condensation.

9.2- Les composés de tentes

Les éleveurs possèdent deux abris généralement : un lieu de vie, et une étable pour les bovins. Les ovins sont gardés dans des enclos à l’air libre. Jouxtant l’abri des hommes, une petite cage est aménagée pour accueillir les oies où d’autres volailles. Des petites tables en bois plantées dans le sol font office de plan de travail pour la production fromagère (voir photos). Le plan horizontal fait de petites buches espacées, sert de pressoir lors de l’égouttage des produits et sous-produits laitiers, effectué avec des pierres. Enfin, des petits espaces pour les toilettes entourés de nylon viennent compléter le campement. Les tas de bouses généralement amassés à côté de l’étable, sont récupérés en véhicule pour les vendre comme fumier dans les villages ou en plaine. Des trous d’un mètre de diamètre, derrière les tentes, ont été creusés. C’est l’emplacement des chiens.

Nous avons pu observer par ailleurs des étables avec des murets en pierre sur 3 ou deux côtés, avec un toit à deux versants plus prononcés que celui des cages, et des barres de faîte soutenues par des mâts en bois. Les murets étaient consolidés et isolés par de la bouse séchée. Parfois, ces étables sont aménagées dans le flanc de la montagne, utilisant l’inclinaison du sol pour enfouir un côté de l’édifice. Des niches abandonnées, recouvertes aujourd’hui de gazon, ont été ainsi observées à quelques pas d’un campement. Ces structures étaient réservées aux bêtes, surtout les bovins. Enfin, un lavoir lui aussi abandonné nous a été montré. Creusé dans le sol à proximité d’un ruisseau pour recevoir son eau par une rigole aménagée, il permettait de laver les sabots du bétail.

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