3 – Transhumance !
© M.Thevenin – Mission Yeylak 2015

Lors de notre enquête, nous avons pu croiser deux troupeaux en transhumance rejoignant le pays d’Arrān. L’un avait atteint le massif de Ceyrançöl, mais n’était pas encore de retour dans sa bergerie d’hiver. Le second était aux abords de Gedebey, en début de transhumance. Il était encadré par quatre bergers, et de trois ou quatre chiens attachés à des mulets qui transportaient le matériel du bivouac. Ballotés par le remue-ménage occasionné par la confrontation des chiens locaux avec ceux des bergers, les animaux de charge ne cessaient de devoir se rééquilibrer, et rétablir leur course pour pouvoir suivre le convoi. Sur les portions bitumées, ce dernier doit redoubler la cadence pour éviter de rester trop longtemps sur ces parties risquées. Ces passages sont des moments délicats de tensions extrêmes, entre l’énervement des automobilistes venant des deux sens tentant de dépasser les bêtes sur les bas-côtés, les combats des chiens, et le stress du troupeau. Cette effervescence a été particulièrement bien reproduite dans le magnifique film documentaire « Seasons » du réalisateur arménien A. Pelechian (1972).

Parti la veille vers 5 h du matin des alpages du Qoca Dağ, le troupeau était arrivé au village de Parakand (voir carte 2) dans l’après-midi du même jour pour y passer la nuit, à côté de la rivière. Le jour où nous l’avons croisé, il rejoignait Gedebey par la route. Puis la transhumance l’emmènerait à Qasim alilar et au crépuscule du 8 octobre, Il serait à Qaracamerli (voir carte 1) pour y laver les bêtes dans des bassins. C’est seulement après cette dernière étape que les bêtes et les hommes rejoindront le plateau de Ceyrançöl et leur ferme.  Ainsi entre le Qoca Dağ et Ceyrançöl, ils mettront environ une semaine pour descendre, en comptant les possibles pauses orchestrées par la disponibilité de pâturages intermédiaires. Certain troupeaux Arrançi font une étape d’un mois à proximité du village de résidence du chef berger, sur les premières hauteurs du petit Caucase, aussi bien à la descente que pour la montée.

Les transhumances suivent aujourd’hui peu ou prou la route bitumée qui rejoint Shamkir à Gedebey, et qui emprunte les plateaux sommitaux des premiers bourrelets du petit Caucase. Cet accès aux alpages devait être le même à des époques plus reculées, car il semble suivre la logique qui a toujours été celle des éleveurs mobiles, que ce soit en Turquie ou en France avant la motorisation des déplacements: utiliser les lignes de crête pour offrir les meilleurs pâturages et des espaces ouverts à leurs bêtes durant la transhumance. Dans le Karabakh, ces routes furent souvent des motifs de conflits et des moyens de pression entre les sédentaires arméniens et les nomades turcs…

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